Des capacités visuelles, motrices et cognitives adéquates sont nécessaires pour conduire en toute sécurité et nécessitent une évaluation fonctionnelle pour identifier les déficits. Une partie du bilan fonctionnel peut être effectuée par le médecin généraliste, mais des spécialistes (p. ex., des ophtalmologistes, des neuropsychologues, des super-spécialistes, des ergothérapeutes et des kinésithérapeutes ou des spécialistes de la rééducation à la conduite) peuvent devoir être consultés.
Les déficits identifiés peuvent exiger des interventions liées à la conduite, dont une rééducation à la conduite automobile, l'utilisation d'accessoires d'assistance, l'information du Département d'État de la conduite automobile (aux États-Unis), des restrictions et/ou de l'arrêt de la conduite. Certains cas compliqués peuvent être soumis à des experts de l'administration.
Il est important de noter que les politiques de renouvellement du permis de conduire, les politiques de déclaration médicale au Department of Motor Vehicles (DMV) et les exigences de conduite réelles varient selon les États, les pays et au niveau international. La connaissance des réglementations et directives locales en matière de permis est essentielle pour permettre des recommandations concernant la conduite. Une ressource utile aux États-Unis est l'American Geriatrics Society Clinician’s Guide to Assessing and Counseling Older Drivers, 4th Edition.
(Voir aussi Revue générale des problèmes du conducteur âgé.)
Fonction visuelle chez le conducteur âgé
La fonction visuelle est essentielle à la conduite en sécurité. Les troubles de la vision, qu'ils soient liés à l'âge ou une maladie, sont fréquents et peuvent contribuer à réduire la capacité de conduite.
Les modifications liées au vieillissement comprennent
La diminution de l'éclairement rétinien (quantité de lumière atteignant la rétine), de l'acuité visuelle, de la sensibilité au contraste et de la vision périphérique
La presbytie (diminution de la capacité à accommoder), qui altère perception des profondeurs
La diminution de la capacité d'adaptation aux modifications de la luminosité et une sensibilité accrue à l'éblouissement, qui perturbent la conduite de nuit
Les maladies oculaires fréquentes avec le vieillissement comprennent les suivantes
Dans de nombreux États, l'acuité visuelle centrale et la vision périphérique sont systématiquement testées par le Department of Motor Vehicles lorsqu'un permis est renouvelé; cependant, l'efficacité de cette approche dans la prévention des accidents de la route n'a pas été bien documentée (1). La plupart des États exigent une acuité visuelle de 20/40 d'au moins un œil pour obtenir un permis sans restriction (lunettes ou lentilles de contacts sont autorisées). Cependant, dans certains États des États-Unis, les praticiens peuvent réduire les obligations sur justification médicale. De plus, certains États ont autorisé l'utilisation de "bioptics" (un système de lentille avec télescope posé sur une paire de lunettes) en cas de troubles importants de la vision. Les seuils de vision périphérique horizontale considérés sûrs pour la conduite varient beaucoup d'un État à l'autre, allant d'aucune restriction à une exigence d'environ 140°.
Les conducteurs âgés ont souvent besoin d'un avis ophtalmologique et de tests complets si des problèmes visuels potentiellement liés à la conduite sont présents parce que le traitement peut améliorer la vision ou prévenir une nouvelle détérioration.
Fonction motrice chez le conducteur âgé
Les déficits moteurs et la fragilité sont associés aux difficultés et à l'arrêt de la conduite (2, 3).
Les modifications de la fonction motrice liées au vieillissement comprennent
Diminution de la flexibilité, de la force et de l'équilibre
Ralentissement de la marche et augmentation du temps de réaction
Les pathologies médicales qui peuvent influer sur la fonction motrice comprennent
Trouble neurologique (p. ex., accident vasculaire cérébral, maladie de Parkinson, sclérose latérale amyotrophique ou tumeur cérébrale)
Diabète responsable d'un déficit sensorimoteur et/ou d'une amputation
Pathologies arthritiques
La fragilité et la faiblesse résultant du vieillissement normal ou des troubles médicaux et des effets indésirables des médicaments
Différents paramètres des fonctions physiques peuvent être évalués au cabinet:
La vitesse des mouvements, le temps de réaction, l'équilibre et la coordination peuvent être évalués par le test de marche rapide. Le patient est invité marcher 3 m, se tourner et revenir au point de départ le plus rapidement possible. Si le patient marche habituellement avec un déambulateur ou une canne, celui-ci doit être utilisé lors du test. Un temps > 9 s peut indiquer un risque accru d'accident de véhicule à moteur. Les praticiens doivent essayer de déterminer la cause de l'atteinte (p. ex., maladie de Parkinson, arthrite) pour définir un plan de traitement. (Voir aussi Comment évaluer la fonction motrice et Comment évaluer les réflexes.)
L'amplitude du mouvement doit être testée au niveau de la région cervicale et de toutes les articulations des membres supérieurs et inférieurs. La diminution de l'amplitude des mouvements cervicaux diminue la capacité à tourner la tête et à percevoir la circulation en particulier au niveau de l'angle mort et en reculant. Les personnes âgées doivent avoir ≥ 30° de rotation latérale de chaque côté; si l'amplitude des mouvements est moindre, ils peuvent être adressés à un thérapeute pour améliorer l'amplitude des mouvements ou à un spécialiste de la réadaptation à la conduite pour l'installation de rétroviseurs grand angle dans le véhicule. De nombreux véhicules récents sont équipés de miroirs de détection des angles morts pour aider les conducteurs à surveiller leur angle mort lors des changements de voie. La diminution de l'amplitude des mouvements des membres peut nuire à la capacité à contrôler l'automobile en toute sécurité et efficacement.
La force des membres supérieurs et inférieurs doit être évaluée qualitativement (en termes de respect des spécifications de la conduite d'un véhicule). La force peut être évaluée par des tests de force musculaire lors de l'examen clinique; la diminution de la force des membres inférieurs du côté droit peut nuire à la capacité à utiliser les commandes au pied et à réagir rapidement aux situations de conduite. (Voir aussi Comment évaluer la force musculaire.)
La proprioception et la sensibilité des membres inférieurs doivent être évaluées. Une diminution de la sensibilité, en particulier du membre inférieur droit, peut nuire à la capacité d'utiliser les pédales en toute sécurité. (Voir aussi Comment évaluer la sensibilité/sensation.)
Les tremblements et autres déficits neurologiques doivent être notés et la nécessité d'un adressage à un neurologue doit être déterminée.
Les praticiens doivent évaluer la fonction motrice non seulement par rapport à la conduite d'un véhicule, mais également par rapport à la capacité des patients à monter et descendre d'un véhicule et à se rendre en toute sécurité à destination. La conduite ne représente qu'une partie du processus qui fait que les patients puissent se rendre là où ils doivent aller.
L'orientation vers la physiothérapie et l'ergothérapie peut permettre de déterminer si des interventions sont nécessaires pour améliorer la fonction motrice. Les ergothérapeutes spécialisés dans la rééducation à la conduite peuvent effectuer des tests complets des fonctions motrices nécessaires à la conduite. Les recommandations en cas de déficit moteur peuvent comprennent l'utilisation d'équipements de conduite adaptés spécialisés (p. ex., commandes à main, boutons de volant de direction).
Fonction cognitive chez le conducteur âgé
Les changements de la fonction cognitive liés au vieillissement qui peuvent affecter la conduite sont les suivants
Déclin de certaines fonctions cognitives ayant un impact sur la mémoire de travail et/ou sémantique
Ralentissement de la vitesse de traitement de l'information
Diminution des capacités d'attention de base et complexes (p. ex., attention divisée)
Diminution de la fonction exécutive (p. ex., planification de voyage, mémoire de travail)
Diminution du traitement visuel et des capacités de perception
Les pathologies médicales (y compris la prise des médicaments nécessaires pour les traiter) qui peuvent influer sur la fonction cognitive comprennent
Facteurs psychologiques (p. ex., anxiété, dépression), dont la consommation de substances
Troubles neurologiques (p. ex., accident vasculaire cérébral, maladie de Parkinson, déficience cognitive légère, maladie d'Alzheimer et démences connexes, lésion cérébrale traumatique, sclérose en plaques)
Troubles du sommeil
Troubles cardiaques
Diabète
L'incidence des anomalies cognitives augmente chez les sujets ≥ 65 ans. Les sujets qui présentent des troubles cognitifs souvent ne peuvent reconnaître eux-mêmes leurs limitations, ne modifient pas ou ne restreignent pas la conduite et sont plus à risque d'accidents de véhicule à moteur; le risque augmente avec la sévérité du déficit. Les sujets qui s'aperçoivent de leurs limitations cognitives modifient souvent leur conduite afin de mieux tenir compte de leurs limites (p. ex., conduire dans des endroits familiers, à des moments moins fréquentés de la journée, pendant les heures de jour), ce qui améliore la sécurité de la conduite.
Bien qu'aucun test de dépistage n'ait été prouvé prédire complètement et précisément la sécurité de conduite, certains tests peuvent permettre une certaine prévisibilité des performances de conduite chez les personnes âgées, peuvent être effectués au cabinet du médecin et être utilisés pour déterminer qui peut devoir être adressé à un spécialiste de la rééducation à la conduite. Les associations de certains des tests de dépistage suivants permettent d'améliorer la précision des prédictions:
Le test du dessin d'une horloge de Freund: ce court test est utilisé pour évaluer la perception visuelle, les compétences visuo-spatiales, l'attention sélective, la mémoire sémantique et les compétences d'exécution. Les scores de 4 et moins indiquent une préoccupation potentielle liée à la conduite.
Le Trail Making Test: ces tests sont utilisés pour évaluer l'attention et le balayage visuel. La partie A est plus facile et doit toujours être effectuée avant la partie B. La partie B est plus difficile et évalue l'alternance entre l'attention et la fonction d'exécution. Les conducteurs qui ont un score Partie B anormal sur ce test (p. ex., > 180 s) peuvent être candidats à des tests plus spécialisés par un spécialiste en rééducation à la conduite.
Le Mini-mental State Examination: l'examen de l'état mental est effectué pour dépister les troubles cognitifs. Cependant, ce test n'a pas été validé pour une utilisation dans la détermination des privilèges de conduite, et les experts de la sécurité routière ne pensent pas que ce soit un outil utile à cet effet.
Tests des labyrinthes: différents tests de labyrinthe (p. ex., le test du labyrinthe de Snellgrove) exigent que les sujets naviguent à travers un labyrinthe imprimé sur du papier. Ces tests permettent d'évaluer les compétences de recherche et exécutives visuelles.
Montreal Cognitive Assessment (MoCA): ce test de 30 items est utilisé pour dépister les troubles cognitifs légers chez les personnes âgées en testant l'attention, la concentration, les fonctions exécutives, la mémoire, le langage, les compétences visuo-spatiales, l'abstraction, le calcul et l'orientation. Des scores bas ont été associés à un risque accru lors de la conduite avec des facultés affaiblies. Il convient de noter que les médecins doivent être formés et certifiés pour administrer le MoCA.
Les approches multi-modèles qui comprennent une combinaison de tests de dépistage sont plus utiles pour prédire les performances de conduite chez les personnes âgées souffrant de troubles médicaux, mais aucune de ces approches n'est fiable à 100% dans ses prédictions (4). La plupart de ces outils de dépistage multimodaux (p. ex., calculateur de probabilité de démence ou d'accident vasculaire cérébral, 4 C) sont faciles à administrer sur la plupart des environnements et donnent des résultats plus prédictifs du risque de conduite dangereuse et de nécessité d'une intervention sur la conduite. Pour plus d'informations sur les approches multimodèles, voir l'American Geriatrics Society’s Clinician’s Guide to Assessing and Counseling Older Drivers, 4th Edition.
Les sujets qui ont un déficit cognitif léger peuvent tirer profit d'une consultation d'ergothérapeute ou d'orthophoniste permettant d'indiquer diverses interventions destinées à améliorer la fonction (p. ex., des stratégies compensatoires). De plus, la consultation peut être indiquée en vue d'une évaluation neuropsychologique afin de permettre de déterminer les diagnostics sous-jacents et d'autres recommandations.
Références
1. Desapriya E, Wijeratne H, Subzwari S, et al. Vision screening of older drivers for preventing road traffic injuries and fatalities. Cochrane Database Syst Rev. 2011;(3):CD006252. Publié le 2011 mars 16. doi:10.1002/14651858.CD006252.pub3
2. Ng LS, Guralnik JM, Man C, et al. Association of Physical Function With Driving Space and Crashes Among Older Adults. Gerontologist. 2020;60(1):69-79. doi:10.1093/geront/gny178
3. Mielenz TJ, Jia H, DiGuiseppi CG, et al. Frailty and poor physical functioning as risk factors for driving cessation. Front Public Health. 2024;12:1298539. Publié le 3 mai 2024. doi:10.3389/fpubh.2024.1298539
4. Hird MA, Egeto P, Fischer CE, Naglie G, Schweizer TA. A Systematic Review and Meta-Analysis of On-Road Simulator and Cognitive Driving Assessment in Alzheimer's Disease and Mild Cognitive Impairment. J Alzheimers Dis. 2016;53(2):713-729. doi:10.3233/JAD-160276
Plus d'information
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American Geriatrics Society: Clinician’s Guide to Assessing and Counseling Older Drivers, 4th Edition