Les excroissances peuvent provenir de n'importe quel type de tissu dans et autour de la bouche, dont les tissus conjonctifs, les os, les muscles et nerfs. Le plus souvent, des excroissances se forment sur les lèvres, sur les côtés de la langue, le plancher de la bouche et le voile du palais. Certaines tumeurs causent des douleurs ou une irritation. Le patient peut remarquer des excroissances ou elles peuvent être découvertes uniquement lors d'un examen.
(Voir aussi Introduction à la prise en charge du patient qui a des troubles dentaires, Carcinome malpighien de la cavité orale, Carcinome malpighien oropharyngé, et Candidose [mucocutanée].)
Étiologie des excroissances orales
Les excroissances orales peuvent être
Bénignes
Précancéreuses (dysplasies)
Malignes
Tumeurs orales bénignes
La plupart des excroissances orales sont bénignes; il en existe de nombreux types.
Cette photo montre une excroissance orale causée par une irritation chronique. Dans ce cas, un fibrome à l'intérieur de la joue s'est formé en raison du frottement des appareils orthodontiques.
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Cet exemple de papillome malpighien oral est une verrue ordinaire (verruca vulgaris), qui se présente comme une lésion surélevée, arrondie, de couleur chair située à la surface de la langue.
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Cette photo montre une verrue apparaissant comme un papillome pédonculé (croissance exophytique, en forme de chou-fleur) sur la partie inférieure de la langue. Le HPV peut être une cause.
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Des plaques blanc crème sont visibles à l'intérieur de la bouche et peuvent saigner lorsqu'elles sont grattées. Ce signe est typique du muguet, qui est causé par une infection par Candida.
Image fournie par Thomas Habif, MD.
Cette photo montre un gros plan d'une ranula (au centre) dans la bouche. Les ranules sont des mucocèles présentes dans le plancher de la bouche (généralement plus grandes que les mucocèles situées ailleurs dans la cavité buccale). La source de mucine des ranules est habituellement la glande sublinguale (parfois aussi le canal de la glande sous-maxillaire).
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Le torus palatin est une masse osseuse dure qui se trouve le long de la ligne médiane du palais dur (souvent bilatéralement, comme cela est visible ici).
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Une excroissance bénigne de la face linguale de la mandibule est visible ici sur le côté gauche de la bouche du patient.
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Cette photo montre une mucocèle labiale, une masse bénigne constituée d'un sac gonflé rempli de mucus. Les mucocèles sont souvent fluctuantes, bien que certaines puissent être plus fermes à la palpation.
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L'adénome pléomorphe est la tumeur bénigne intraorale la plus fréquente. La muqueuse palatine est le site le plus fréquent.
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Ce patient a une grande tumeur de la glande salivaire parotide droite. Les papules blanchâtres sur sa peau sont une découverte fortuite due au pian (une infection cutanée chronique causée par Treponema pallidum sous-espèce pertenue).
Image courtesy of K. Mae Lennon and Clement Benjamin via the Public Health Image Library of the Centers for Disease Control and Prevention.
L'irritation chronique peut provoquer une bosse persistante sur la gencive. Les tumeurs bénignes dues à l'irritation sont relativement fréquentes et, si nécessaire, peuvent être enlevées chirurgicalement. Chez 10 à 40% des sujets, des tumeurs bénignes de la gencive réapparaissent à cause de restes irritants. Parfois une telle irritation, en particulier si elle persiste pendant une longue période de temps, peut induire des anomalies précancéreuses ou malignes.
Les verrues peuvent survenir dans la bouche (papillomes malpighiens). Les verrues ordinaires (ou vulgaires, verrucae vulgaris) peuvent infecter la bouche si une personne suce ou mâchouille une verrue qui pousse sur un doigt. Les verrues génitales dues au papillomavirus humain (HPV) peuvent également être observées dans la cavité buccale par transmission oro-sexuelle. Les verrues orales peuvent régresser spontanément mais lentement (sur des mois ou des années). Le traitement typique est l'exérèse chirurgicale complète lorsque cela est possible.
La candidose buccale (muguet) apparaît souvent comme des plaques blanches, comme du fromage qui collent étroitement aux muqueuses et laissent des érosions rouges quand on les essuie. Le muguet est le plus souvent observé chez le patient diabétique ou immunodéprimé, et en cas de prise d'antibiotiques.
Des kystes de nombreux types causent des douleurs et un œdème de la mâchoire. Souvent, ils sont associés à une dent de sagesse enclavée et peuvent détruire des zones considérables de la mandibule au fur et à mesure qu'ils s'étendent. Certains types de kystes ont plus tendance à récidiver après exérèse chirurgicale. Différents types de kystes peuvent se développer dans le plancher de la bouche. Souvent, ces kystes sont enlevés chirurgicalement car ils gênent la déglutition ou parce qu'ils sont peu esthétiques.
Les mucocèles (kystes de rétention de mucus et ranules) sont des gonflements intra-buccaux indolores, bénins dus à des accumulations kystiques ou pseudokystiques de mucus des glandes salivaires. Ils sont souvent d'origine traumatique. Les mucocèles, qui sont de loin la lésion la plus fréquente, se produisent le plus souvent à l'intérieur de la lèvre inférieure latérale et ont souvent une couleur bleu translucide en raison de la présence de mucine sous la muqueuse. Ils sont généralement le résultat d'une morsure accidentelle de la lèvre (inférieure) et se produisent lorsque le flux de salive d'une glande salivaire mineure est obstrué. La plupart des mucocèles disparaissent en une semaine ou deux. Les ranulas sont de grandes mucocèles bleuâtres du plancher de la bouche. Le traitement consiste en une excision chirurgicale.
Un torus est une projection arrondie d'os qui se forme dans la ligne médiane du palais dur (torus palatin) ou sur la face interne de la mandibule (torus mandibulaire). Cette excroissance dure est à la fois fréquente et inoffensive. Même une excroissance peut être laissée telle quelle, à moins qu'elle ne soit traumatisée en mangeant ou qu'une prothèse dentaire soit nécessaire pour couvrir la zone.
Le syndrome de Gardner est un type de polypose adénomateuse familiale, un trouble héréditaire du tractus gastro-intestinal qui comprend de multiples polypes colorectaux. Les patients qui ont un syndrome de Gardner se présentent souvent avec de multiples ostéomes oraux qui peuvent ressembler cliniquement à de multiples lésions toriques, en particulier au niveau du corps et de l'angle de la mâchoire inférieure.
Les kératoacanthomes sont des tumeurs qui se forment au niveau des lèvres et d'autres zones exposées au soleil, comme le visage, les avant-bras et les mains. Un kératoacanthome atteint généralement sa taille d'environ 1 à 3 cm de diamètre ou plus en 1 ou 2 mois, puis commence à diminuer de volume après encore quelques mois et peut finir par disparaître sans traitement. Autrefois, tous les kératoacanthomes étaient considérés comme non cancéreux, mais certains experts considèrent désormais ceux qui ne diminuent pas de taille comme des lésions cancéreuses de bas grade et la biopsie ou l'excision sont actuellement recommandées pour de telles lésions. Certains anatomopathologistes considèrent le kératoacanthome comme une variante initiale du carcinome malpighien (1).
Les odontomes sont des excroissances de cellules de formation dentaires qui ressemblent à de petites dents difformes supplémentaires. Chez l'enfant, ils peuvent survenir en même temps que l'éruption de la dent normale. Chez l'adulte, ils peuvent pousser les dents hors de leur alignement. Les gros odontomes peuvent aussi causer une hypertrophie du maxillaire ou de la mandibule. Ils sont habituellement réparés chirurgicalement.
Les tumeurs des glandes salivaires sont la plupart du temps bénignes, à croissance lente, et indolores. Elles ont habituellement la forme d'excroissances uniques, molles et mobiles sous une peau d'apparence normale ou sous la muqueuse orale. Parfois, quand ces tumeurs sont creuses et remplies de liquide, elles sont fermes. La tumeur la plus fréquente est l'adénome pléomorphe (tumeur mixte) et elle se produit principalement chez les femmes de > 40 ans. Les adénomes pléomorphes peuvent devenir malins et sont enlevés chirurgicalement. Sauf si elles sont complètement enlevées, ces tumeurs sont susceptibles de récidiver. D'autres types de tumeurs bénignes sont également enlevées chirurgicalement, mais sont beaucoup moins susceptibles de devenir malignes ou de récidiver.
Modifications précancéreuses (dysplasiques)
Des zones blanches, rouges ou blanc-rouges mélangées qui ne sont pas facilement effacées, persistent pendant > 2 semaines, et ne sont pas définissables comme une autre pathologie peuvent être dysplasiques. Les mêmes facteurs de risque sont impliqués dans des modifications dysplasiques comme dans les tumeurs malignes, d'autre part les modifications dysplasiques peuvent devenir malignes si elles ne sont pas enlevées.
La leucoplasie est une tache blanche et plate qui peut se développer lorsque la muqueuse buccale est irritée sur une longue période. Le terme leucoplasie est utilisé lorsqu'une lésion blanche de la muqueuse buccale ne peut être caractérisée. Le site irrité semble blanc du fait d'une couche de kératine épaissie, alors qu'elle est normalement moins abondante dans la muqueuse buccale. Les facteurs souvent associés au développement de la leucoplasie orale idiopathique comprennent le tabagisme, la consommation d'alcool, la carence en vitamines C, B12, B6, B3 et les perturbations endocriniennes.
L'érythroplasie est une zone rouge et plate ou érosive qui se produit lorsque la muqueuse buccale devient plus fine. La zone est rouge parce que les capillaires sous-jacents sont plus visibles. L'érythroplasie est un prédicteur beaucoup plus inquiétant de cancer de la bouche que la leucoplasie.
Les lésions mixtes montrent des zones mêlant leucoplasie et érythroplasie et elles peuvent également être des précurseurs de cancers.
Cancer buccal
Les sujets qui consomment du tabac, et/ou de l'alcool sont beaucoup plus à risque de cancer de la bouche. Chez les sujets qui consomment du tabac à mâcher et à priser, l'intérieur des joues et des lèvres sont des sites fréquents. Chez d'autres sujets, les sites les plus fréquents de cancer comprennent les bords latéraux de la langue, le plancher de la bouche et l'oropharynx. L'infection par le HPV (papillomavirus humain), en particulier le type 16, est un facteur de risque de cancer de la bouche, principalement dans les amygdales et à la base de la langue; sur ces sites, le HPV16 a dépassé le tabac comme cause principale. Rarement, les cancers découverts dans la région orale sont des métastases de cancer du poumon, du sein ou de la prostate.
Le cancer de la bouche peut avoir plusieurs aspects différents, mais ressemble généralement à des lésions dysplasiques (p. ex., zones blanches, rouges, ou mixtes rouge-blanches qui ne sont pas facilement essuyées).
Référence
1. Kwiek B, Schwartz RA: Keratoacanthoma (KA): An update and review. J Am Acad Dermatol 74(6):1220-1233, 2016. doi: 10.1016/j.jaad.2015.11.033
Évaluation des excroissances orales
Anamnèse
L'histoire de la maladie actuelle comprend des questions sur la durée pendant laquelle la croissance a été présente, si elle est douloureuse, et s'il y a eu des blessures dans la région (p. ex., morsure de la joue, lésion par une arête ou une restauration dentaire). Les patients sont interrogés sur les symptômes de maladie systémique, en particulier perte de poids et sensation de malaise.
La recherche des antécédents médicaux doit porter sur les facteurs de risque de la candidose, dont la prise récente d'antibiotiques, le diabète et l'infection par le VIH (ou les facteurs de risque du VIH). La quantité et la durée d'utilisation de l'alcool et du tabac sont notées.
Examen clinique
L'examen clinique se concentre sur la bouche et le cou, l'inspection et la palpation de toutes les régions de la bouche et de la gorge, y compris sous la langue. Le cou est palpé à la recherche d'un lymphadénopathie, qui évoque un cancer ou une infection chronique.
Signes d'alarme
Les signes suivants sont particulièrement préoccupants:
Perte de poids
Masse cervicale
Maux de gorge persistants
Difficulté de déglutition
Interprétation des signes
La principale préoccupation est de ne pas confondre un cancer de la bouche ou une lésion dysplasique avec une affection bénigne. Les médecins doivent faire preuve d'une grande prudence et adresser le patient pour biopsie si la lésion ne disparaît pas en quelques semaines.
Examens complémentaires
Une suspicion de candidose peut être confirmée par la présence de levures et de pseudo-filaments dans des grattages de la lésion au montage humide sous hydroxyde de potassium à 10%. D'autres lésions aiguës, en particulier celles qui semblent liées à un traumatisme ou à une irritation locale, peuvent être observées. Cependant, la plupart des lésions présentes pendant plus de quelques semaines, et celles de durée inconnue, doivent être biopsiées parce que le cancer est difficile à exclure cliniquement.
Traitement des excroissances orales
Le traitement dépend de la cause, des déficits esthétiques et fonctionnels, de la douleur et du potentiel malin de l'excroissance diagnostiquée.
Points clés
La plupart des excroissances orales sont bénignes.
Les verrues, les infections à Candida, et les traumatismes répétés sont des causes fréquentes de tumeurs bénignes.
La consommation d'alcool et de tabac et l'infection orale par le HPV sont des facteurs de risque de cancer.
Le cancer étant difficile à diagnostiquer par inspection, la biopsie est souvent nécessaire.