La granulomatose éosinophile avec polyangéïte est une vascularite nécrosante systémique des petits et moyens vaisseaux, caractérisé par des granulomes extravasculaires, une hyperéosinophilie sanguine et tissulaire. Elle survient chez des patients adultes asthmatiques, présentant une rhinite allergique, une polypose nasale ou l'ensemble de ces manifestations. Le diagnostic est confirmé dans l'idéal par une biopsie d'un organe atteint. Le traitement repose principalement sur les corticostéroïdes et un autre immunosuppresseur.
(Voir aussi Revue générale des vascularites.)
La granulomatose éosinophile avec polyangéïte se produit chez environ 3 sujets/million. L'âge moyen au début est de 48 ans.
La granulomatose éosinophile avec polyangéïte est caractérisée par la présence de granulomes extravasculaires avec nécrose (habituellement riches en éosinophiles), par une éosinophilie et une infiltration cellulaire par des éosinophiles. Cependant, ces anomalies ne coexistent pas toujours. La vascularite affecte généralement les artères de petite taille et de taille moyenne. Tous les organes peuvent être touchés, mais les poumons, la peau, les sinus, le système cardiovasculaire, les reins, le système nerveux périphérique, le système nerveux central, les articulations et les voies gastro-intestinales sont le plus souvent atteints. Rarement, la capillarite pulmonaire peut entraîner une hémorragie alvéolaire.
Étiologie de la granulomatose avec polyangéïte
La cause de la granulomatose éosinophile avec polyangéïte est inconnue. Cependant, des mécanismes allergiques sont probablement impliqués, associés à une infiltration des tissus lésés par des éosinophiles et de produits de dégranulation monocytaire. Une hyperactivation des lymphocytes T pourrait participer à l'entretien de cette inflammation à éosinophiles. Le syndrome survient chez des patients qui ont un asthme qui a débuté à l'âge adulte, une rhinite allergique, une polypose nasale, ou une association de ces maladies. Des anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles sont présents chez 30-40% des sujets.
Symptomatologie de la granulomatose avec polyangéïte
Le syndrome évolue schématiquement en 3 phases, qui peuvent se chevaucher:
Phase prodromique: cette phase peut durer plusieurs années. Les patients ont une rhinite allergique, une polypose nasale, un asthme à début tardif ou l'association de toutes ces manifestations.
2e phase: une hyperéosinophilie sanguine et tissulaire est fréquente. La présentation clinique, qui ressemble à un syndrome de Löffler, peut comprendre une pneumonie à éosinophiles ainsi qu'une gastro-entérite à éosinophiles chroniques.
3e étape: les lésions de vascularite proprement dite, pouvant mettre en jeu le pronostic vital, se développent. Un dysfonctionnement d'organe et des symptômes systémiques (p. ex., fièvre, sensation de malaise, perte de poids, fatigue) sont fréquents dans cette phase.
Cependant, ces phases ne suivent pas nécessairement et l'intervalle de temps entre chacune peut varier considérablement.
Tous les organes et tissus peuvent être atteints:
Respiratoires: un asthme, souvent apparaissant à l'âge adulte est présent chez la plupart des patients et a tendance à être sévère et corticostéroïdes-dépendant. Une sinusite est fréquente, mais non destructrice, sans lésion de nécrose sévère. Le patient peut être dyspnéïque. Les infiltrats pulmonaires labiles sont fréquents.
Atteintes neurologiques: les manifestations neurologiques sont très fréquentes. Une mononeuropathie multiple (multinévrite) est observée chez jusque les 3/4 des patients. L'atteinte du système nerveux central est plus rare mais peut causer une hémiparésie, une confusion, des convulsions ou un coma, des paralysies des nerfs crâniens ou des infarctus cérébraux.
Atteintes cutanées: la peau est affectée chez environ la moitié des patients. Des nodules et papules peuvent apparaître sur la face d'extension des extrémités. Ils sont liés à des lésions granulomateuses extravasculaires palissadiques avec nécrose centrale. Un purpura ou des papules érythémateuses, en rapport avec des lésions de vascularite leucocytoclasique avec ou sans infiltration éosinophile, peuvent aussi se développer.
Atteintes musculosquelettiques: des arthralgies, myalgies ou même arthrites peuvent être observées.
Cardiaque: l'atteinte cardiaque, une cause majeure de mortalité, comprend une insuffisance cardiaque due à une myocardite et une fibrose endomyocardique, une vascularite des artères coronaires (éventuellement avec infarctus du myocarde), des troubles valvulaires et une péricardite. Le signe histopathologique prédominant est une myocardite éosinophile.
Gastro-intestinaux: jusqu'à 1/3 des patients ont à la présentation des symptômes gastro-intestinaux (p. ex., douleur abdominale, diarrhée, saignements, cholécystite non calculeuse) dus à une gastro-entérite à éosinophiles ou à une ischémie mésentérique due à une vascularite.
Atteintes rénales: les reins sont affectés moins souvent que dans les autres vascularites associées aux ANCA (antineutrophil cytoplasmic autoantibodies). Typiquement, il s'agit d'une glomérulonéphrite segmentaire nécrosante et focale pauci-immunitaire (peu ou pas de complexes immuns), avec formation de croissants; un infiltrat éosinophile ou granulomateux du rein est rare.
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La présence d'atteintes rénale, cardiaque ou neurologique centrale indique un mauvais pronostic.
Diagnostic de la granulomatose avec polyangéïte
Critères cliniques
Examens de laboratoire de routine
Échocardiographie
Biopsie
La Chapel Hill Consensus Conference de 2012 (1) définit la granulomatose éosinophile avec polyangéïte comme une inflammation granulomateuse riche en éosinophiles et nécrosante touchant les voies respiratoires avec une vascularite nécrosante des vaisseaux petits et moyens en association avec un asthme et une éosinophilie. Les critères de classification (Criteria for classification) de l'American College of Rheumatology sont les suivants:
Asthme
Éosinophilie sanguine > 10%
Sinusite paranasale
Infiltrats pulmonaires, parfois transitoires
Preuves histologiques de vascularite avec infiltrat par des éosinophiles
Mononévrite ou polynévrite multiple
Si ≥ 4 critères sont présents, la sensibilité est de 85%, et la spécificité est de 99,7%.
Les explorations complémentaires visent à établir le diagnostic et le degré d'atteinte des organes, ainsi qu'à distinguer la granulomatose éosinophile avec polyangéïte d'autres pathologies avec hyperéosinophilie (p. ex., infections parasitaires, réactions médicamenteuses, pneumonie à éosinophiles aiguës et chroniques, aspergillose bronchopulmonaire allergique, syndrome hyperéosinophilique). Le diagnostic de la granulomatose éosinophile avec polyangéïte est suggéré par les signes cliniques et les résultats des examens de laboratoire de routine mais doit habituellement être confirmé par une biopsie du poumon ou d'autres tissus atteints.
Des examens sanguins et des rx thorax sont réalisés, mais les résultats ne sont pas diagnostiques. La NFS permet de vérifier l'éosinophilie, qui chez certains patients peut être un marqueur de l'activité de la maladie. Les niveaux d'IgE et de protéine C réactive et la VS peuvent aussi être surveillés périodiquement pour évaluer l'activité inflammatoire de la vascularite. L'analyse d'urine et la créatinine sont effectuées pour dépister une maladie rénale et surveiller sa gravité. Un ionogramme est effectué.
Un test sérologique est effectué qui détecte des ANCA (antineutrophil cytoplasmic autoantibodies) dans une proportion allant jusqu'à 40% des patients; si des ANCA sont détectés, un test ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay) doit être réalisé pour vérifier la spécificité des anticorps. Les ANCA périnucléaires (p-ANCA) avec des anticorps antimyéloperoxydase sont la conséquence la plus fréquente, mais ils ne constituent pas un test spécifique ou sensible de la granulomatose éosinophile avec polyangéïte.
Bien qu'ils soient utilisés comme marqueurs de l'activité de la maladie, le niveau de l'éosinophilie et les taux d'IgE, ANCA, la VS et le taux de protéine C-réactive jouent ce rôle, mais ne prédisent les poussées qu'avec des limitations importantes.
La rx thorax montre souvent des infiltrats pulmonaires transitoires.
Une échocardiographie 2D du cœur doit être effectuée chez tous les patients au départ et répété au fil du temps si des symptômes et/ou des signes d'insuffisance cardiaque se développent.
Une biopsie d'un tissu ou organe atteint et facilement accessible doit être effectuée si c'est possible.
Référence pour le diagnostic
1. Jennette JC, Falk RJ, Bacon PA, et al: 2012 Revised International Chapel Hill Consensus Conference Nomenclature of Vasculitides. Arthritis Rheum 65(1):1-11, 2013. doi: 10.1002/art.37715
Traitement de la granulomatose éosinophile avec polyangéïte
Corticostéroïdes
Les corticostéroïdes systémiques associés à un immunosuppresseur sont la base du traitement de la granulomatose éosinophile avec polyangéïte parce que les corticostéroïdes seuls souvent ne permettent pas de maintenir la rémission, même en l'absence de facteurs pronostiques défavorables. D'autres immunosuppresseurs (p. ex., cyclophosphamide, rituximab, méthotrexate, azathioprine) sont rajoutés, le choix dépendant de la gravité et du type d'atteinte organique, en utilisant les mêmes critères généraux que pour le traitement de la granulomatose avec polyangéïte ou de la polyangéïte microscopique. Dans une étude rétrospective de 41 patients atteints de granulomatose éosinophile avec polyangéïte traités par le rituximab, 49% étaient en rémission à 12 mois et rituximab avait réduit le besoin de corticostéroïdes. Ces résultats se comparent favorablement à d'autres traitements. Il a été démontré que le mépolizumab 300 mg par voie sous-cutanée toutes les 4 semaines, abaissait le taux de rechute dans les cas de rétention de granulomatose éosinophile avec polyangéïte légère à modérée, récurrente ou réfractaire. Le bénéfice était principalement obtenu dans les voies respiratoires supérieures et inférieures, y compris l'asthme actif (1). L'effet du mépolizumab est inconnu chez les patients présentant des manifestations graves, dont une maladie cardiaque.
L'atteinte cardiaque, qui se manifeste par une myocardite avec insuffisance cardiaque, est la principale cause de décès dans la granulomatose éosinophile avec polyangéïte.
Référence pour le traitement
Wechsler ME, Akuthota P, Jayne D, et al: Mepolizumab or placebo for eosinophilic granulomatosis with polyangiitis. N Engl J Med 376(20):1921-1932, 2017. doi:10.1056/NEJMoa1702079
Points clés
La granulomatose éosinophile avec polyangéïte est une rare vascularite des petits et moyens vaisseaux.
Les phases comprennent des symptômes des voies respiratoires supérieures et un wheezing, une pneumonie et une gastro-entérite éosinophiles et une vascularite mettant en jeu le pronostic vital.
Les phases peuvent se produire dans un ordre logique ou non et peuvent se chevaucher.
La présence d'atteintes cardiaque ou neurologique peut survenir et indiquer un mauvais pronostic.
Diagnostiquer par l'examen clinique, les examens biologiques systématiques et parfois la biopsie.
Faire un échocardiogramme 2D chez tous les patients.
Traiter avec des corticostéroïdes et d'autres immunosuppresseurs en fonction de la gravité de la maladie et utiliser les mêmes critères pour le traitement de la granulomatose avec polyangéïte ou la polyangéïte microscopique.
Envisager un traitement par rituximab en raison de taux de réponse possiblement élevés et d'un besoin réduit en corticostéroïdes.
Envisager le mépolizumab en cas de maladie récurrente ou réfractaire avec des manifestations principalement des voies respiratoires supérieures et/ou inférieures.
Plus d'information
La source d'information suivante en anglais peut être utile. S'il vous plaît, notez que LE MANUEL n'est pas responsable du contenu de cette ressource.
American College of Rheumatology (ACR): Lists a number of ACR-approved classification criteria sets and provides information about the purpose of criteria sets, their development and validation, and the role of the ACR in adopting them.