La tuberculose (TB) résistante aux médicaments est une menace persistante qui complique de manière significative le travail d’éradication de la TB. Le nombre croissant d’infections par une tuberculose multirésistante (TB-MR) dans de nombreux pays provoque une hausse de la demande de tests de sensibilité aux médicaments (TSM) rapides et précis pour les médicaments antituberculeux de première et de deuxième intentions, ce qui permettrait une prise de décision thérapeutique sur le lieu de soins. On parle de TB-MR en cas de résistance aux 2 médicaments antituberculeux de première intention les plus efficaces : l’isoniazide (INH) et la rifampicine (RIF). La TB ultrarésistante (TB-UR) est un type de TB résistante à l’INH et à la RIF, ainsi qu’à toute fluoroquinolone (FQ) et à au moins un des trois médicaments injectables de deuxième intention, c’est-à-dire l’amikacine (AMK), la kanamycine (KAN) et la capréomycine (CAP). En 2016, 600 000 nouveaux cas de TB résistante à la rifampicine (TB-RR) ont été rapportés dans le monde, dont 490 000 cas de TB-MR. Près de la moitié de ces cas (47 %) ont été rapportés en Inde, en Chine et en Fédération de Russie.
La résistance aux médicaments de M. tuberculosis est uniquement liée à des mutations de gènes spécifiques. Elle a été associée à > 20 mutations dans > 11 gènes et régions promotrices. La multirésistance est la conséquence de l’accumulation de plusieurs de ces mutations. Cependant, toutes les mutations entraînant une résistance ne sont pas connues.
Plus de 95 % des souches de M. tuberculosis résistantes à la RIF présentent des mutations dans la région déterminant la résistance à la RIF (RDRR) du gène rpoB, et plusieurs tests de génétique moléculaire ont été élaboré pour détecter les mutations de la RDRR.
Les tests de sensibilité aux médicaments sont essentiels pour :
- Guider le choix de médicaments
- Déterminer si une mauvaise réponse clinique est liée au développement d’une résistance
- Évaluer la résistance aux médicaments
Traditionnellement, ce sont les tests phénotypiques basés sur la mise en culture qui font référence en termes de TSM. Cependant, le gros inconvénient de ces tests est que les résultats demandent un délai important. La croissance de M. tuberculosis étant lente, l’obtention des résultats demande 6 à 8 semaines en milieu solide et 4 à 5 semaines en milieu liquide. Les TSM avec mise en culture posent par ailleurs un risque biologique significatif qui demande un haut niveau de biosécurité au niveau des pratiques et du personnel spécialisé.
Afin de surmonter ces obstacles, des TSM génétiques rapides ont été développés, ce qui permet de réduire les délais de plus d’un mois à quelques heures. La possibilité de diagnostiquer rapidement une résistance aux médicaments grâce à des tests moléculaires est cruciale pour démarrer immédiatement une antibiothérapie efficace et améliorer ainsi les résultats des traitements, tout en limitant la transmission de la TB-MR. Outre le fait d’être rapides, les TSM génétiques doivent également être précis, économiques et simples d’utilisation afin d’être utiles dans les pays pauvres en ressources où se trouvent la majorité des patients atteints de TB-MR.
Les tests génétiques permettant d’identifier une résistance à la RIF sont désormais largement disponibles dans les pays développés et le deviennent de plus en plus dans les pays en voie de développement. GeneXpert MTB/RIF (Cepheid), qui est recommandé par l’OMS, est un système fermé automatisé qui utilise des techniques rapides d’amplification en chaîne par polymérase pour détecter dans les échantillons de crachats des séquences d’ADN spécifiques à M. tuberculosis et certaines mutations entraînant une résistance à la RIF. La résistance à la RIF est considérée comme un marqueur de TB-MR, car 95 % des souches résistantes à la RIF sont également résistantes à l’INH. Ce test est bien plus précis que la détection des BAAR au microscope dans un échantillon de crachats. Le test ne demande que 2 heures, le risque biologique est minime et il peut être réalisé par du personnel moins qualifié avec une formation technique minimale.
GeneXpert MTB/RIF est extrêmement précis dans différentes régions géographiques et a permis d’améliorer la détection de la TB-RR dans le monde entier. Le test peut détecter > 97 % des patients présentant une résistance à la RIF identifiée par mise en culture (1) et sa spécificité est proche de 99 %.
Cependant, la détection rapide de la résistance aux médicaments de deuxième intention n’est pas à la hauteur. Un moyen d’identification rapide d’une résistance aux FQ et aux médicaments injectables de deuxième intention (AMK, KAN et CAP) fait cruellement défaut à la détection de la TB-UR. À partir de la plate-forme GeneXpert, un test expérimental a été développé pour détecter rapidement les gènes associés à la résistance à l’INH, aux FQ (moxifloxacine et ofloxacine) et aux aminosides (amikacine et kanamycine).
Une étude publiée récemment dans le New England Journal of Medicine a évalué la précision diagnostique de ce test expérimental chez des patients chinois et sud-coréens (2). En utilisant le séquençage génétique comme la norme de référence, le test expérimental a atteint la sensibilité cible de 95 % définie par l’OMS pour l’INH, les FQ et l’AMK, et n’a pas atteint la sensibilité cible pour la KAN à 2 points de pourcentage près. Cependant, si les tests avec mise en culture étaient utilisés comme norme de référence, la sensibilité du test génétique expérimental pour détecter la résistance était plus faible : 83,3 % pour l’INH, 88,4 % et 87,6 % pour l’ofloxacine et la moxifloxacine, et 71,4 % et 70,7 % pour la kanamycine et l’amikacine. Toutefois, la spécificité était comprise entre 94,3 % et 99,6 % (cible définie par l’OMS : 98 %).
Limites et inquiétudes
Cette étude n’a pas évalué la résistance à la CAP, bien que la mutation rrs détectée par le test soit censée être responsable de la « majorité » des cas de résistance à la CAP. L’étude n’a pas non plus évalué la résistance à d’autres médicaments de première intention, tels que la streptomycine, l’éthambutol et la pyrazinamide (PZA), qui peuvent être utiles dans le traitement de la TB-MR. La représentativité géographique limitée des participants et des souches de M. tuberculosis inclus dans l’étude représente également une limite. Nous espérons que d’autres études prouveront son utilité dans le monde entier.
Il est bien connu que les résultats des TSM génétiques et des TSM basés sur la mise en culture ne concordent pas toujours à 100 %. Les tests génétiques détectent uniquement les mutations recherchées. Or, certaines souches résistantes ont des mutations connues, mais non incluses dans le test, ou des mutations inconnues. En conséquence, il serait prudent d’utiliser un TSM basé sur la mise en culture pour confirmer une sensibilité identifiée avec un TSM génétique. À l’avenir, inclure d’autres mutations associées à une résistance pourrait permettre d’améliorer la sensibilité de ce test expérimental. Nous espérons qu’en améliorant l’accès à des tests moléculaires rapides plus performants, notamment dans les communautés pauvres en ressources, une plus grande proportion de patients atteints d’une TB-MR sera identifiée et qu’une multithérapie efficace pourra ainsi être instaurée.
Références
1. Boehme CC, Nabeta P, Hillemann D, et al: Rapid molecular detection of tuberculosis and rifampin resistance. N Engl J Med 363:1005–1015, 2010.
2. Xie YL, Chakravorty S, Armstrong DT, et al: Evaluation of a rapid molecular drug-susceptibility test for tuberculosis. N Engl J Med 377:1043–1054, 2017. doi: 10.1056/NEJMoa1614915.